Loisiralp

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Chamans: Semaine N°6

Jour 37: L’enfer sur terre

« Nous prenons le café tous ensemble. Le point du futur bivouac est donné. Seb et Alex B partent en premier. Alex D lance le drone pour nous suivre au départ avec Gwen, Fabien et moi. Nous prenons la direction de l’estuaire du lac. Nous nous arrêtons une première fois au bout de 3.9km puis à 7.2km. Fabien décide de ne pas s’arrêter tandis que Gwen et moi allons au rythme d’Alex D. Une longue montée d’environ 5km nous attend. Il fait très chaud et pas un arbre à l’horizon. Nous arrivons à la lisière d’un bois où nous nous arrêtons avec Gwen. Nous attendons Alex. Pendant ce temps, nous ravivons un feu laissé par Alex B et Séb. Alex D nous rejoint 3/4 d’heure plus tard. Il est exténué et il a surtout mal aux pieds. Nous apercevons 2 véhicules au loin. Une fois à notre hauteur, nous demandons si il est possible de déposer au moins Alex au plus près de l’axe des sources. Ils sont d’accord pour nous avancer. Gwen ayant pris la voiture avec Alex la veille, il propose que je parte avec lui aujourd’hui. Gwen prévient le reste du groupe que nous aurons de l’avance. Nous embarquons et sommes tassés à l’arrière avec nos sacs sur les genoux. Arrivés au point que j’avais désigné sur ma carte, Alex décide de faire du repérage avec le drone pour être sûr de l’axe et des environs. Nous voyons le lac comme prévu et prenons sa direction à travers les bois. À l’approche, des cailloux et des rochers. Les abords du lac sont inaccessibles car marécageux et pour couronner le tout, nous sommes envahis par des centaines de mouches et de taons : c’est l’enfer sur terre. Nous allons donc changer d’emplacement après avoir fait le plein d’eau pour bivouaquer au niveau d’une plaine. Suite à un point topo, je décide de faire un azimut brutal à travers la forêt sur 2.5km pour rejoindre la vallée. Entre les arbres, la progression est lente. En effet, il n’y a aucun repère. Nombreux sont les arbres calcinés par la foudre. Nous arrivons enfin sur la vallée et tombons sur une piste qui n’était pas indiquée sur le GPS. J’envoie les coordonnées à Fabien ainsi qu’une copie écran de notre trajet estimé jusqu’aux sources car ils devraient passer par ici demain. Ces infos vont les aider. Nous décidons de bivouaquer près de la piste après 22 km de marche, loin des ours et certainement des loups qui sont présents dans la forêt. »

Position GPS : 50.79617° N, 100.67022° E

Jour 38: Objectif atteint

« Nous nous retrouvons vers 7h30 pour prendre le café avec Alexandre D.
Le temps de sécher nos tentes, nous partons vers 9h15. L’autre équipe se réveille autour de 5h30, le parcours sera plus long. J’avance tranquillement et Alex me suit à son rythme. Nous trouvons quelques ruisseaux pour nous ravitailler en eau. Nous arrivons au bout de la vallée, à 2km à vol d’oiseau au Nord-Est de notre position, nous voyons des habitations. La piste doit probablement contourner des arbustes, buissons et sûrement une rivière. Je décide de couper au travers de cette végétation dense ce qui nous permet de gagner 1km.

Nous traversons une première rivière, recouverte de rocher, puis une seconde. La pluie s’invite. Nous sommes enfin de l’autre côté, sur une piste qui nous mène directement aux habitations. Maintenant, place à une grosse averse. Nous arrivons devant une maison jaune. Nous la dépassons et voyons plusieurs petites habitations en bois, le tout clôturé dans un grand terrain. Pas de doute, ce sont des Guesthouse.

Nous entrons par le grand portail en bois et rencontrons une des gérantes qui nous proposent la location d’une habitation pour 3 personnes à 80.000 tugrik (21€) par personne, repas inclus. Nous la suivons et nous nous installons. Nous allumons un feu pour sécher nos affaires, il est 13h30 et nous aurons parcouru 14km.

Fabien, quant à lui, a pu monter dans une voiture et se faire déposer sur la route pile dans l’axe du lac. Le reste de l’équipe le retrouve une heure plus tard, ils ont voyagé en camion. Gwen et Alex sont assis au-dessus de la cabine et Seb à l’extérieur sur une marche du camion. Ils prennent, en suivant nos traces, la direction du lac. Fabien a reçu mon message indiquant les coordonnées de la piste. Ils coupent donc à travers les bois jusqu’à la piste puis ils empruntent le même itinéraire que nous. Fabien ouvre la porte de nos chambres, il est environ 16h30. Toute l’équipe est réunie.

Nous nous retrouvons dans l’espace repas et achetons chacun une bière afin de trinquer et célébrer notre arrivée. Nous dînons peu de temps après, des pâtes, de la viande et un peu de légumes avant de retrouver nos chambres. Nous étions tous fatigués et ne mettons pas longtemps à nous endormir. Demain, c’est une journée off où nous allons profiter des environs. »

Jour 39-1: Un repos bien mérité.

« Comme ça fait du bien une bonne nuit de sommeil sur un véritable matelas, de la chaleur et surtout du calme. Je parle de matelas, car pour ma part depuis le deuxième jour, mon matelas s’est déchiré et impossible de le réparer. Complètement dégonflé chaque matin, je ne compte même plus le nombre de fois où j’ai dû le regonfler. C’est d’ailleurs le cas pour la majorité de l’équipe. Alex, Fabien et moi avons eu un peu de difficulté à nous endormir : la fatigue musculaire certainement.

La bonne grasse matinée nous revigore. Nous nous retrouvons dans le « restaurant-boutique » du Guesthouse. On nous prépare un très bon café, quelques pains de mie, de la confiture légèrement acide et un beurre-crème fait maison.

Le temps est ensoleillé. Alexandre D interview Sébastian, Gwen et Alexandre B en fin de matinée. Durant ce laps de temps, Fabien fait quelques photos avec Gwen et moi pour nos sponsors LoisirAlp et Katadyn : le cadre est parfait.

Sébastian et Alexandre B veulent déjeuner. À ce moment, Jiji me contacte via le téléphone fixe du gérant pour planifier les prochains jours et ce que j’ai prévu. Alexandre D, Fabien et moi nous n’avons pas faim alors, nous en profitons pour aller aux fameuses sources d’eaux chaudes. Gwen, Sébastian et Alexandre B iront juste après.

Il faut environ un kilomètre pour rejoindre les sources. Après avoir traversé un pont et une petite clairière, nous apercevons quelques cabanes en bois dans une zone clôturée qui semble être en accès libre. L’endroit est authentique et simple, exactement ce dont nous avons besoin : pas d’artifice. Les premières cabanes sont occupées, nous entrons donc dans la dernière où je suis certain que nous allons passer un moment unique. »

Jour 39-2: Moment plaisir.

« La cabane est rectangulaire et permet d’accueillir jusqu’à 3 personnes. Elle doit faire environ 6m². Nous pouvons apercevoir un rectangle au plancher et une petite échelle en bois qui permet de s’immerger dans une eau à l’odeur de souffre. L’eau nous arrive au niveau de la taille lorsque nous sommes debout, le sol est recouvert de gravier et de pierres. L’eau est entre 42 et 45° : Le plaisir est immense! Nous prenons donc notre temps et restons ainsi 30 min.

Un homme nous explique qu’il y a un circuit de 5min par cabane, car les sources sont différentes. Certaines sont bénéfiques pour le cœur, d’autres pour les articulations, etc. Après nous être posé sur un banc, nous nous dirigeons vers la sortie. Le même homme nous invite à boire l’eau de source qui sort d’un tuyau en métal avec un bol en libre-service. L’eau est chaude, à part ce léger goût d’œuf pourri, nous nous exécutons à tour de rôle. Nous repartons vers nos Guesthouse un peu mou. Nous nous sentons lourds de fatigue.

En arrivant, des nuages un peu plus sombres indiquent une pluie imminente. Les grondements ne laissent aucun doute sur l’orage avenir. Nous nous allongeons, l’orage est au-dessus de nous. Pendant ce temps, Gwen, Alex B et Séb rentrent sous la pluie, canne à pêche à la main après leur passage aux sources.

Plus tard dans l’après-midi, malgré la pluie, Seb et Gwen pêchent à la rivière juste à côté de nos logements. La journée se termine, chacun en a profité à sa guise. Grâce au téléphone satellite, nous rassurons nos familles, car ici nous sommes hors réseau.
Demain et par le biais de Jiji, une personne va nous déposer en 4×4 près de Khatgal pour bivouaquer une dernière fois tous ensemble.
Gwen nous informe qu’il va repartir à pied avec Seb. Nous leur laissons suffisamment d’essence pour les réchauds et le téléphone satellite pour leur sécurité. Quelle joie de les voir ensemble décider de l’aventure qu’ils veulent vivre. De mon côté, je réfléchissais à un itinéraire plus court pour Fabien, car sa hanche le fait souffrir. Ce dernier a subi 2 infiltrations avant notre départ en Mongolie. Quant à Alex D, il a donné son maximum et trahi par ses pieds, il ne peut faire un kilomètre de plus. Ceci dit, je suis très fier de lui car ce qu’il a accompli n’est pas à la portée de tous. Demain est une autre journée qui aura sans nul doute son lot de péripéties. »

Jour 40,:Chacun sa route.

« Gwenaël et Sébastian prennent le p’tit déj vers 7h30 et partent à pied autour de 8h30. Ils nous retrouveront à Khatgal. Le reste de l’équipe quant à elle repartira en 4×4 mais il est convenu que Fabien et moi soyons déposés à mi-chemin. Nous prenons notre petit déjeuner vers 9h. Le chauffeur est prêt, il est membre du staff du Guesthouse. Alexandre B est déjà prêt et attend devant la voiture. Nous prenons le temps de rassembler nos affaires. Nous partons finalement vers 10h30.

Nous empruntons un autre chemin qui fait descendre Sud/Sud-Ouest en direction de Khatgal sur une distance totale d’un peu plus de 90km.

Nous croisons Seb et Gwen sur la route. Ils se sont trompés de 6km, mais ils ont pu être replacés dans la bonne direction par une âme charitable véhiculée. Entre 35 et 40km de l’arrivée, je demande au chauffeur de nous arrêter pour que Fabien et moi puissions finir à pied. Nous faisons un point topo et commençons notre parcours au bout de 15min. Nous reconnaissons l’itinéraire de l’aller.

Le rythme est un peu soutenu mais nous papotons une bonne partie du chemin. La première pause survient au bout de 10km. Nous faisons le plein d’eau car il n’y en aura pas à proximité de notre futur bivouac. Le rythme est agréable et la chaleur s’installe en fin d’après-midi. Après une montée de 10km, nous sommes sur le point le plus haut et commence à se dessiner au loin le village de Khatgal et le lac Khovsgol.

Fabien me remercie car l’idée de faire le retour complet en voiture lui laissait un goût amer. De mon côté, je savais déjà qu’on ferait une partie du trajet retour à pied, la difficulté étant de trouver le meilleur compromis en terme de distance et en fonction de l’état de santé du moment. Fabien a une excellente condition physique, il est entraîné depuis des années mais malheureusement sa hanche lui joue des tours ces derniers temps et il fait donc du mieux qu’il peut.

Nous installons nos tentes, nous allumons un feu et nous faisons chauffer de l’eau pour nos repas lyophilisés.  Une fois le dîner achevé, nous rejoignons nos duvets pour un repos bien mérité après 21km parcouru en 4h20. Demain nous prendrons le temps de rentrer, en attendant nous profitons de notre dernier bivouac. »

[ Coordonnées GPS : 50.46516° N, 100.26368° E ]

Jour 41: Dernière marche

« Dernier réveil en bivouac avec Fabien. Il est 8h lorsque nous préparons notre café avec cette drôle de saveur, celle de la fin proche d’une extraordinaire aventure. Nous partons à 9h30, nous avons tout notre temps et 15km à parcourir.

Devant nous le lac et Khatgal. Nous revoyons des chèvres, des yaks, des chevaux et bien sûr quelques Yourtes.

Un effet contradictoire entre le temps écoulé et l’intensité de chaque journée. Par la force des choses nous vivons pleinement l’instant présent, à chaque jour, ses évènements. La reconstruction n’est pas une chose simple.
Il faut savoir que suite à un traumatisme, accident, blessure dans certains cas, nous passons par les 7 étapes du deuil. Le deuil de sa vie passée et de ses capacités. Ces étapes sont les suivantes : le choc, le déni, la colère, la dépression et la tristesse, la résignation, l’acceptation, la reconstruction.

Certains ont déjà passé toutes les étapes, d’autres doivent se situer entre l’acceptation et la reconstruction, quant au dernier certainement à celle de la colère. Ceci dit, je me trompe peut-être. Elles sont cependant nécessaires pour avancer et bien sûr se reconstruire.

Au fur et à mesure que nous nous rapprochons de l’arrivée, je ressens comme un soulagement. Un projet qui s’est déroulé comme prévu avec une part d’incertitude : l’aventure, c’est ça ! Nous décidons de traverser le lac en tyrolienne. Arrivés sur le ponton, on nous équipe, nous gardons nos sacs et nous partons au même moment Fabien et moi pour une traversée d’environ 200m. Avec le poids, la vitesse est proche des 45km/h avec une vue de folie. Une fois de l’autre côté, nous payons et repartons en direction du Guesthouse situé à 2km.
Nos deux Alexandre sont partis à 10h au festival des Rennes à une vingtaine de kilomètres de Khatgal accompagné par le patron du Guesthouse.

Nous arrivons vers 12h30 au restaurant du Guesthouse.

Nous déposons nos affaires dans notre chambre et allons dans un petit restaurant tout près. Nous retrouvons les Alexandre en milieu d’après midi. Plus tard, quelle joie de retrouver les beaux sourires de Gwen et Seb arrivés vers 20h. Toute l’équipe est réunie et le plus important, tout le monde va bien. Nous allons en profiter pour nous reposer avant de reprendre la route prochainement en direction de Möron. »

Jour 42: Retour à la civilisation.

« Nous avons passé 2 jours à nous reposer, à reconditionner nos affaires, à faire quelques lessives et à nous balader. Deux jours à prendre notre temps et se reconnecter au calme.

Nous nous retrouvons pour notre dernier petit déj au Guesthouse à 9h. Le personnel est aux petits soins avec nous. Un van, géré par Jiji arrive à 9h30. Le temps d’une photo et de dire au revoir à toute l’équipe, nous prenons la direction de Möron à 100km plein sud.

La steppe et l’aridité à perte de vue, nous arrivons au bout d’une heure trente de trajet.

On retrouve une véritable ville, sa circulation, ses klaxons, ses commerces. C’est trop bruyant à mon goût. Möron est la capitale de la province de Khovsgol et comptait près de 40 000 habitants au recensement de 2017. Le chauffeur nous dépose au Mountain view Guesthouse dont la réservation a été gérée par Jiji.

Après Khatgal, un village très calme, nous retrouvons un peu plus de civilisation à Möron. C’est d’ici que nous prendrons le bus dans quelques jours pour la capitale. Il fait plus chaud qu’à Khatgal (+de 30°), le climat est sec et aucune zone d’ombre à l’horizon.

Après l’installation dans nos chambres, nous en profitons pour aller visiter le centre ville.

Globalement et pour ma part, le projet Chamans est une réussite sur bien des points. J’attends, à suivre, un retour plus pragmatique de l’étude que réalisera Olivier, notre psychologue et référent.

L’équipe a dû faire face aux changements inhérents à ce projet et surtout au paradoxe du changement. Le paradoxe du changement, c’est cette opposition entre ton désir de changer et ta peur de l’inconfort.
On veut une vie différente mais on passe la plupart de nos journées à faire les mêmes choses que la veille. Et c’est normal car c’est moins risqué.

Pour certains blessés, suite à un traumatisme, il est difficile de faire le deuil de sa vie passée et c’est là que le projet Chamans intervient. Il créé de l’inconfort, au delà de tous repères en revenant à l’essentiel. Mes aventures m’ont fait grandir et j’ai acquis de nombreuses compétences que j’ai pu transférer dans ma vie pro et perso.
Comme le dit si bien Paolo Coelho : Si vous pensez que l’Aventure est dangereuse, essayez la routine, elle est mortelle. »

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